1979. La Suède interdit les châtiments corporels à l’école, puis à la maison. Un demi-siècle plus tard, la France rejoint timidement la danse, quand certains pays s’en tiennent encore à la neutralité. Pas de consensus mondial sur la question, mais l’Organisation mondiale de la santé a tranché : bannir la violence éducative, c’est reconnaître la dignité de l’enfant. Depuis 2016, l’appel est lancé : les relations entre adultes et enfants méritent une nouvelle donne, fondée sur le respect.
Le terme « parentalité positive » s’impose tardivement dans le langage scientifique, porté d’abord par le monde anglo-saxon à la fin des années 1990, avant de gagner du terrain dans les politiques publiques européennes. Pourtant, l’origine exacte et ceux qui l’ont façonnée continuent de diviser chercheurs et praticiens.
Parentalité positive : origines, pionniers et évolutions du concept
Le mot parentalité positive s’affiche sur les couvertures de livres et dans les colloques à partir des années 1990, mais ses racines plongent bien plus loin. Remontons au début du XXe siècle : Alfred Adler, psychiatre autrichien, et Rudolf Dreikurs, son disciple, changent la donne en proposant une relation adulte-enfant fondée sur la coopération, non la soumission. Jane Nelsen s’en inspire pour élaborer la discipline positive, une méthode où l’encouragement prend le pas sur la sanction.
En France, l’idée prend forme en s’appuyant sur la psychologie positive mais aussi sur des pédagogies alternatives. Maria Montessori, pionnière dans l’art de laisser l’enfant explorer, et Emmi Pikler, spécialiste de la motricité libre, laissent leur empreinte. Aujourd’hui, des figures comme Catherine Gueguen et Isabelle Filliozat incarnent ce renouveau. Leur credo : conjuguer neurosciences, empathie et respect du développement spécifique de chaque enfant.
Pour mieux cerner les acteurs majeurs de cette évolution, voici quelques repères incontournables :
- Alfred Adler : inventeur de la psychologie individuelle, il défend une éducation fondée sur la dignité et sans humiliation.
- Jane Nelsen : à l’origine de la discipline positive, elle privilégie la coopération à la répression.
- Maria Montessori et Emmi Pikler : misent sur la confiance, l’autonomie et le respect du rythme de chaque enfant.
- Isabelle Filliozat et Catherine Gueguen : en France, elles propulsent l’éducation positive, alliant écoute, neurosciences et compréhension fine du fonctionnement psychique de l’enfant.
Au début des années 2000, la parentalité positive s’appuie également sur les recommandations du Conseil de l’Europe et de l’association américaine de psychologie, qui reconnaissent les ravages des violences éducatives ordinaires. Derrière ce concept, une histoire tissée de pionniers et d’influences croisées, qui continue de se réinventer au fil des recherches et des attentes sociales.
Quels principes fondamentaux et méthodes au quotidien ?
L’éducation positive repose sur des fondations solides : bienveillance, empathie et respect du rythme de l’enfant. Il ne s’agit pas de céder à tous les caprices ni de bannir l’autorité, mais de poser un cadre structurant sans recourir à la violence ni à l’humiliation. L’écoute active, au cœur de la communication non violente (CNV) de Marshall Rosenberg, forge la relation parent-enfant sur l’échange et la compréhension mutuelle.
Catherine Gueguen rappelle l’importance de reconnaître et d’accueillir les émotions de l’enfant. Nommer un ressenti, verbaliser sans étiqueter ni juger, devient une façon d’accompagner l’enfant vers une connaissance de soi plus fine et une confiance intérieure renforcée. L’adulte crée un environnement où chaque étape de développement, chaque émotion, compte.
Les grands axes de la parentalité positive
Voici les principaux leviers mobilisés au quotidien :
- Encourager l’autonomie : proposer des choix adaptés, laisser l’enfant expérimenter et apprendre de ses réussites comme de ses erreurs.
- Mettre en place une discipline positive : expliquer plutôt que punir, inviter à réparer plutôt qu’à sanctionner.
- Soutenir la motricité libre et l’exploration, en s’inspirant notamment des approches Montessori et Pikler.
La relation parent-enfant se construit à double sens. L’adulte ajuste sa posture, prévient l’escalade des conflits, accorde une place réelle aux besoins spécifiques de l’enfant. Cette démarche, loin d’être confortable, demande aux parents de se réinventer, jour après jour, dans leur façon de guider et d’accompagner.
Entre adhésion et critiques : pourquoi la parentalité positive fait débat
Si la parentalité positive séduit un large public et s’impose dans les médias, elle ne fait pas l’unanimité. Les figures de proue du mouvement, comme Isabelle Filliozat ou Catherine Gueguen, sont saluées pour leur démarche non violente, mais la diffusion rapide de ces méthodes a révélé des zones d’ombre.
Des professionnels, dont la psychologue Caroline Goldman, alertent sur le risque de culpabilisation parentale. Vouloir être un parent parfait, toujours bienveillant, peut générer l’effet inverse : confusion, perte de repères, doutes sur l’autorité. L’hyperparentalité, ce zèle éducatif qui vire à l’épuisement, cristallise aussi les inquiétudes. À force de vouloir tout prévenir, certains parents s’y perdent, et l’anxiété grimpe.
Côté chercheurs, le débat se concentre sur des outils comme le time out (mise à l’écart temporaire), jugé trop contraignant pour certains, défendu par d’autres comme une alternative à la punition. Certains pointent du doigt une communication qui, sous couvert de bienveillance, peut devenir subtilement contraignante. Les partisans de la psychanalyse, eux, rappellent que le conflit reste indissociable de toute relation éducative.
Au final, la parentalité positive se révèle être une quête d’équilibre : entre la volonté d’exclure toute violence et la nécessité de poser des limites claires. Familles et professionnels cherchent leur voie, naviguant entre transmission, cadre et respect du caractère unique de chaque enfant.
Exemples concrets, témoignages et ressources pour aller plus loin
Dans les foyers, la parentalité positive s’incarne à travers des choix parfois discrets, mais qui changent la dynamique familiale. Marie, mère de deux enfants, raconte sa pratique de la discipline positive : « Quand un conflit surgit, j’essaie de nommer l’émotion de mon fils, puis on cherche ensemble une solution. » Résultat ? Un enfant qui s’exprime plus facilement et se sent davantage compris. D’autres parents mettent en avant la motricité libre ou des activités Montessori pour encourager l’autonomie dès le plus jeune âge.
Le cadre légal s’est lui aussi transformé. Depuis 2019, la loi française n°2019-721 interdit tout recours aux violences éducatives ordinaires, dans le sillage des recommandations du Conseil de l’Europe et de la Convention internationale des droits de l’enfant. Sur le terrain, enseignants, éducateurs et groupes de travail saluent ces avancées, tout en interrogeant les limites de leur application au quotidien.
Pour ceux qui souhaitent approfondir leur pratique, plusieurs ressources se révèlent particulièrement pertinentes :
- Les livres de Jane Nelsen (« La discipline positive »), Isabelle Filliozat et Catherine Gueguen, qui détaillent les principes clés de l’éducation positive.
- Les conférences de Marshall Rosenberg sur la communication non violente, précieuses pour désamorcer les tensions familiales.
- Des groupes de parents et ateliers animés par des professionnels formés à la psychologie positive ou à la pédagogie Montessori.
Ce florilège de ressources montre à quel point le mouvement est dynamique, capable de s’ajuster à la vie quotidienne, et de nourrir une réflexion profonde sur la place de chacun dans l’accompagnement des enfants. La parentalité positive esquisse ainsi chaque jour de nouveaux chemins, entre exigences, tâtonnements et promesses d’une relation adulte-enfant renouvelée.


