Quelques chiffres bousculent les certitudes : à 5 ans, un enfant peut passer par plus de 20 émotions différentes en une seule journée. Face à cette effervescence, les adultes cherchent souvent la parade, l’astuce, le mot juste. Pourtant, ce tumulte a sa logique, sa nécessité même. Loin d’être un caprice ou un défaut, ce sont les premiers pas d’un apprentissage fondamental.
Pourquoi les émotions débordent-elles chez les enfants ?
Tout parent le remarque tôt ou tard : chez les enfants, les émotions s’imposent sans filtre, envahissent le quotidien parfois avec fracas. La colère explose, la peur fige, le stress fait irruption sans avertir. Ce constat s’explique : le développement émotionnel se déroule à son propre rythme. Le cortex préfrontal, chef d’orchestre de la régulation émotionnelle, n’est pas encore mature. Il devra patienter jusqu’à l’adolescence pour révéler son entière palette.
Pendant ces années de construction, le seuil de tolérance aux contrariétés est minimal. La moindre frustration, si légère soit-elle, peut déclencher une vague émotionnelle. L’enfant apprend, peu à peu, à composer avec ses ressentis grâce à la répétition, à l’accompagnement patient et aux mots posés sur son vécu. Avant même de verbaliser, il s’exprime : par les gestes, la voix, les pleurs ou l’agitation.
Certains facteurs rendent ces réactions encore plus vives : fatigue, brusques changements, séparation, contrariétés du quotidien. Les émotions enfant jaillissent alors, incontrôlables. Plusieurs éléments entrent en jeu :
- La maturation progressive du système nerveux central ;
- Le manque d’expérience pour identifier et apprivoiser ses ressentis ;
- L’écart entre son monde intérieur et les attentes extérieures ;
- L’impact du comportement des adultes : un parent sous tension transmet insensiblement cette tension à son enfant.
Le développement émotionnel évolue par étapes. Les professionnels de la petite enfance l’observent chaque jour : apprivoiser la colère, la tristesse, la peur, suppose un accompagnement constant, beaucoup de verbalisation et une grande capacité à observer sans juger. La gestion des émotions enfant se façonne ainsi, patiemment, influencée par l’entourage, la personnalité, la force du lien d’attachement et la posture adoptée par les adultes quand surviennent les orages émotionnels.
Reconnaître et comprendre les émotions : une étape déterminante pour les parents
L’apprentissage de la gestion émotionnelle débute par la prise de conscience. Pour transmettre à l’enfant le goût de reconnaître ce qu’il ressent, il faut d’abord l’éclairer sur ces fameuses émotions. Observer, nommer ce que l’enfant laisse voir, c’est lui offrir un repère. Lorsqu’une crise de frustration éclate ou que la colère menace, osez lui dire : “Tu as l’air en colère”, ou “Je remarque que tu es triste”. Cette manière d’accueillir l’émotion, toute simple, s’avère précieuse pour développer son intelligence émotionnelle.
Accueillir, ce n’est ni minimiser ni juger. Valider le ressenti de l’enfant, c’est l’autoriser à ressentir, sans pour autant tout excuser. “Je comprends que tu sois fâché, mais ici on ne lance pas les objets.” Cette nuance permet à l’enfant de s’affirmer, tout en découvrant progressivement les limites acceptables.
En partageant aussi ses propres émotions de manière maîtrisée, le parent ouvre la voie. “Je me sens pressé ce matin, alors je vais respirer un peu.” Ce type de partage guide l’enfant vers une intelligence émotionnelle authentique.
Pour favoriser ce chemin, privilégiez les attitudes suivantes :
- Mettre des mots simples sur les émotions dès le plus jeune âge ;
- Accueillir l’intensité des ressentis, même si elle impressionne ;
- Suggérer des moyens alternatifs pour exprimer frustration et colère, préférables au cri ou au geste brusque.
Aider un enfant à apprivoiser ses émotions se joue dans chaque échange quotidien. Chaque mot, chaque regard, chaque geste construit son vocabulaire affectif et sa capacité à se comprendre.
Des astuces concrètes pour accompagner votre enfant au quotidien
Améliorer la gestion des émotions chez l’enfant ne relève pas de la théorie : des solutions existent, et elles sont accessibles. Sophie R., enseignante en maternelle, évoque ainsi la mise en place d’un coin calme : un espace rien qu’à lui, propice à l’apaisement, où l’enfant peut respirer, réfléchir, se recentrer sur ce qu’il ressent. Pas question de punition ici, mais d’un geste vers plus d’autonomie émotionnelle.
La respiration consciente s’impose aussi comme un outil précieux. Prendre ensemble quelques inspirations profondes suffit parfois à faire baisser la pression. Quelques exercices simples inspirés du yoga ou de la relaxation aident l’enfant à apprivoiser sa colère ou son stress.
Pour inciter un enfant à s’exprimer différemment, plusieurs idées ont fait leurs preuves :
- Utiliser une échelle visuelle des émotions afin de l’aider à situer son ressenti à l’instant T ;
- Lui proposer une sorte de boîte à outils émotionnelle : cartes à émotions, petits objets sensoriels, mini-histoires sur les sentiments ;
- Valoriser le dessin ou le jeu symbolique, surtout avec les plus petits.
Dans certaines familles, un “journal des émotions” trace l’évolution des ressentis sur plusieurs semaines. D’autres misent sur les routines récurrentes : lecture d’albums, rituels de parole, jeux de rôle les soirs de semaine. L’ingrédient commun reste l’unité du cadre et l’écoute active des adultes. Progressivement, l’enfant adopte ses propres stratégies de coping, et affine sa régulation émotionnelle en fonction de son caractère et du climat familial.
Ressources et outils pour aller plus loin dans la gestion émotionnelle
Éducateurs, psychologues, professionnels de l’enfance s’accordent à dire qu’il existe de nombreux supports pour guider la gestion émotionnelle sans bouleverser les habitudes familiales. Livres illustrés, jeux de société, podcasts à écouter ensemble, applications adaptées… Chaque famille pioche ce qui lui correspond. Bien souvent, les albums jeunesse mettent en scène un personnage pris dans ses colères, ses peurs, ses moments de stress, ce miroir offre à l’enfant des pistes pour reconnaître et oser exprimer sa propre palette d’émotions.
Quelques pistes à explorer
Pour enrichir cet accompagnement, plusieurs solutions peuvent être testées :
- Les séries d’histoires abordant les sentiments au quotidien, idéales pour initier le dialogue en famille ;
- Des jeux inspirés du livre “La couleur des émotions”, qui facilitent l’échange entre jeunes enfants et adultes ;
- Des applis pédagogiques proposant des exercices à intégrer en toute simplicité pour travailler l’autonomie émotionnelle sans pression.
Participer à des ateliers collectifs animés par des professionnels de l’enfance, c’est aussi offrir à l’enfant un espace protégé pour expérimenter, partager, dialoguer sur ses ressentis sans qu’aucune performance ne soit attendue. Ces dispositifs valorisent sa parole et donnent, chemin faisant, la confiance nécessaire pour explorer toute la gamme de ses émotions.
Apprendre à traverser la tempête émotionnelle de l’enfance, c’est tracer pour l’enfant la carte d’un paysage intérieur où chaque émotion, même tumultueuse, a sa place, et peut, un jour, devenir une force au service de sa propre histoire.

